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homme, si l’on veut bien excepter quelques individualités remarquables, comme Mr. Baillairgé par exemple, qui est obligé de donner des cours privés de mathématiques, le gouvernement trouvant indigne de lui offrir une chaire ou étant trop occupé à se protéger contre les électeurs impies qui ne craignent pas d’offenser Dieu, suivant l’expression à jamais mémorable d’un des plus grands vicaires, qui est à fois un des plus grands génies du Canada.[1]

Il faut élever cette question, Messieurs, à sa véritable hauteur ; c’en est une de la dernière importance pour notre race, si nous ne voulons pas que s’accuse de plus en plus notre infériorité vis-à-vis des autres éléments qui nous entourent. Le vrai patriotisme ne consiste pas à se leurrer les uns les autres, à se bourrer de compliments, il consiste, lorsque le mal est extrême et les palliatifs insuffisants, à nous dire crûment nos vérités. Or, je dis et j’affirme que si notre système d’éducation n’est pas entièrement remodelé, c’est-à-dire, si on ne le fait pas moderne, avant dix ans la démarcation entre nous et les anglo-saxons sera parfaitement tranchée ; seulement nous occuperons l’arrière-plan. Notre presse, messieurs, nous donne presque tous les jours le plus humiliant et le plus honteux des spectacles. Il suffit presque d’être journaliste pour oublier les procédés les plus vulgaires d’honnêteté, les convenances les plus élémentaires, les plus simples notions de savoir-vivre. Des personnalités outrageantes et barbares, des grossièretés à faire reculer des poissardes, aucun souci de la décence et de la dignité publiques, pas la moindre charité, et cela est d’autant plus remarquable que souvent, par le caractère même que la presse revêt ou qu’elle affiche, la charité doit être ex-

  1. M.  le grand-vicaire Langevin, de Rimouski, avait affirmé durant la dernière campagne électorale, qu’on ne pouvait voter pour un candidat libéral sans offenser Dieu.