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qui traversent l’atmosphère qui l’entoure et vont s’exhaler au loin dans les bois et les champs ; on la pressent aux fraîches bouffées qui s’échappent de son sein et on croit l’entendre avant de l’avoir aperçue, dans les échos ranimés, dans les frais murmures qui emplissent l’air, lorsqu’on arrive enfin au terme du long et ennuyeux trajet qu’on a parcouru à travers toute la presqu’ile de Chicoutimi.

Le voilà donc devant nous, ce Lac dont la renommée, chargée de légendes, a déjà volé vers de nombreux pays. La voilà, cette région du Lac Saint-Jean qui a tant exercé les imaginations depuis quelques années, dont on a tant parlé, que l’on connait si peu, et vers laquelle se portent de si nombreuses, de si ardentes espérances. La voilà, cette étrange petite mer, avec son peuple de poissons aussi étranges qu’elle-même : le wananish, qui ne se pêche guère que pendant six semaines, du 1er juin au 15 juillet, qui fait bondir des heures entières la main du pêcheur qui s’obstine après lui, qui fait des sauts de quinze pieds et qui franchit une chute aussi aisément qu’un ruisseau, plus alerte, plus vigoureux, quoique plus petit, et plus rapide que le saumon lui-même ; la munie, qui a la queue et la couleur de l’anguille, la forme du crapaud de mer, et la tête comme celle de la morue, quoique un peu plus plate ; l’atosset, autre produit singulier qui vient on ne sait d’où et dont les ancêtres ont dû faire de nombreux croisements ; enfin, le brochet, mais le brochet monstre, qui a jus-