Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/344

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son de trompe que, désormais, les habitants des paroisses du Lac allaient avoir une communication régulière, dans toutes les saisons, avec la capitale, mais on ne croyait guère à ce chemin, qui avait donné lieu à toute sorte d’histoires fabuleuses, ni aux postes, que l’on regardait comme des essais de leurre public. Ou se rappelait trop bien l’aventure cruelle d’un pauvre colon de Saint-Jérôme du Lac, qui s’était risqué dans ce prétendu chemin, l’hiver, avec des bestiaux qu’il voulait conduire au marché. Le malheureux avait perdu ses bêtes et failli périr lui-même, et n’avait pu atteindre Beauport qu’au bout d’une dizaine de jours, exténué, aux trois quarts gelé, presque mourant.

Du reste, dans le cas actuel, tout le monde avait raison d’être incrédule. Le chemin de colonisation de Québec au lac Saint-Jean eût-il été ouvert, qu’il n’en fût pas moins resté impraticable, faute d’habitations sur son parcours et, par suite, d’hommes pour le tenir en état. Et quant à ce « tout le monde », incrédule avec tant de raison, on vint chuchoter un beau jour qu’on allait peut-être construire un chemin de fer là où l’on n’avait pas même pu ouvrir une route pour les charrettes et les bestiaux, jugez un peu des exclamations et des vociférations qui retentirent ! On ne voulut rien entendre ; et comme nos estimables nationaux sont toujours prêts, dans n’importe quelle entreprise, à supposer à ses auteurs toute espèce de motifs, excepté ceux d’intérêt public, on supposa qu’il n’y avait là qu’une spéculation de capitalistes voulant