Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’étaient rendus à pied, à travers le bois, et qu’ils avaient passé tout l’hiver de 1884. Quand, le matin, madame St. Onge se réveillait, ses cheveux étaient littéralement pris dans une masse de frimas et il lui était impossible de les démêler, avant que le feu du poêle eût attiédi le froid de ce misérable intérieur. Pour gagner sa pension, elle lavait les effets de tous les hôtes de la hutte, et souvent, raconte-t-elle, « j’ai cru que j’allais mourir sur place ; le docteur était convaincu que je ne verrais pas la fin de l’hiver ; comment j’ai pu résister, c’est pour moi un miracle ; je n’en suis pas morte, mais j’ai pris là des rhumatismes dont je ne guérirai jamais. »

Telle est, vingt fois sur trente, la vie des défricheurs qui s’aventurent les premiers dans la forêt.

* * *

Pendant ce temps, St. Onge construisait seul, à deux milles plus loin, sur le bord même de la rivière à Pierre, le log-house qu’il habitait en 1887, mais, depuis lors, considérablement agrandi et amélioré. Quand il s’y rendit au printemps avec sa femme, ils n’avaient à eux deux pour toute fortune qu’un dollar, et personne, pas une âme auprès d’eux pour les aider, les secourir, leur prêter le moindre appui. Mais le chemin de fer se construisait toujours, malgré les prédictions des incrédules, et la foule des travailleurs était arrivée à la Rivière-à-Pierre.