Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/389

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merci les arbres les plus robustes, tandis que les broussailles rampantes lui échappent. L’air est plein d’une poussière ardente, coupée de longues flammèches qui, en s’envolant dans toutes les directions, vont porter l’incendie dans des endroits jusqu’alors épargnés, pendant que d’autres, tout voisins du fléau, restent intacts. Là où le feu a pour ainsi dire sauté par-dessus le dôme de la forêt, pour aller au loin distribuer ses colères, apparaissent de grands arbres, secs et dénudés, solennels, impassibles comme des rangées de squelettes, sans une branche jusqu’à la mi-hauteur du tronc, et laissant tomber de leur moitié supérieure leurs feuilles mortes, une à une, lentement, par intervalles, comme les pleurs silencieux qu’on verse dans l’abandon.


XV


Au point où nous sommes parvenus de notre course, nous avons atteint le lac Édouard et descendu le versant septentrional de la chaîne des Laurentides. Nous n’irons pas plus loin pour le moment ; arrêtons ici nos regards et contemplons l’étendue illimitée qui se déroule devant nous, qui tressaille encore de son enfantement d’hier à la vie active de la colonisation, à la lumière d’une civilisation naissante.