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ont eu lieu, d’abolir la taxe de quarante francs par tonneau sur les navires français construits dans nos ports, mais c’est une raison pour nous de nous en occuper sans retard et de voir à sauvegarder nos droits avant que la commission cesse ses travaux.

Administrateurs et hommes politiques en France, nous pouvons l’affirmer, n’ont pas la moindre répugnance à entrer en arrangements avec nous, à traiter officieusement avec un délégué canadien, et à donner à nos constructeurs les mêmes privilèges qu’aux constructeurs anglais, pourvu qu’en retour le Canada diminue les droits imposés par son gouvernement sur les vins importés de France. Or, telle est la difficulté. Le gouvernement canadien ne peut pas, pour le moment, accorder cette modification de notre tarif, et il faudrait que la France consentît à laisser entrer dans ses ports les navires construits au Canada pour ses armateurs, sans compensation immédiate de notre part. Le peut-elle sans détriment pour son commerce, et alors, si elle le peut, quelle raison aurait-elle de ne pas nous accorder ce que nous lui demandons, et de persister à réclamer en échange une diminution de droits sur ses vins ? Elle le peut assurément, et, de plus, elle le ferait assurément sans hésiter, nous en sommes convaincus, si un pareil procédé était possible, si ce n’était pas là purement et simplement nous faire un don, nous accorder une faveur spéciale sans que nous fassions rien de notre côté pour la reconnaître, ce qu’il est impossible d’espérer, même du peuple le plus ami, ce qu’une nation ne saurait, faire envers une autre, et encore moins évidemment envers une dépendance coloniale.

Nous ne dirons pas que les vins de la France n’ont pas besoin du marché canadien, quoique la quantité que nous en importons soit insignifiante, comparativement à l’immense commerce qui s’en fait dans le monde entier, mais nous pouvons dire que ce n’est pas la France qui a le plus grand intérêt à ce que les droits sur ses vins soient diminués, que c’est au contraire nous que cette modification de tarif favoriserait le plus. En effet, la saine théorie économique n’est elle pas, pour les pays dont l’industrie commence à peine à se développer, d’imposer l’importation des articles qu’ils produisent, afin que les articles étrangers similaires ne fassent pas concurrence aux leurs, et d’écarter tout impôt sur les produits étrangers à leur sol ? Eh bien ! dans le cas présent, quelle compétition avons-nous à craindre de la part de la France ? Aucune, évidemment, puisque le climat et le sol du Canada ne sont pas propices à la vigne. Que représentent donc alors les droits imposés par nous sur les vins français ? Une simple mesure fiscale, un moyen de grossir nos revenus, d’une part, et, d’autre part, une satisfaction donnée à l’espèce de parti organisé en croisade contre toute sorte de boisson, et qui possède déjà une importance politique considérable. Quant à la