Page:Buies - Question franco-canadienne, 1877.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 11 —

cools, lorsque tout à coup, dans un remaniement de tarif fait il y a deux ans, on vit le vin français, dont on devait encourager au contraire l’introduction chez nous, frappé de droits élevés pour complaire aux musulmans de la province d’Ontario. Et aujourd’hui que la question se présente pour notre province, vulgairement appelée la province-sœur, de voir son commerce rétabli avec la France et l’une de ses plus grandes industries refleurir, grâce à un abaissement de droits sur les vins de Bordeaux, le ministère, parfaitement disposé en notre faveur, se voit empêché dans son action par des fanatiques qui mettent le vin au nombre des fléaux de la terre.

Ainsi, on le voit, ce n’est pas seulement à une théorie absurde et féroce que se borne l’étroitesse d’esprit des teetotalers, mais elle affecte encore les rapports internationaux, elle nuit à une industrie considérable, elle combat précisément le but qu’elle veut atteindre en empêchant l’usage d’une boisson saine, elle introduit la tyrannie et l’abus dans la législation, elle contrarie la loi naturelle du commenre qui s’oppose à ce qu’un produit étranger à notre sol soit frappé de droits d’entrée, enfin elle porte atteinte aux goûts légitimes, à l’hygiène même d’une grande partie de la population, sous prétexte d’empêcher les excès d’un petit nombre, excès qui ne feront qu’augmenter en raison même de la rigueur de la répression.

Maintenant, croyons-nous, le côté social et moral de la question qui nous occupe a été suffisamment envisagé ; nous n’insisterons pas davantage là dessus, et nous allons revenir, en forme de conclusion, au côté purement politique et commercial, celui que nous présentions au lecteur lorsque nous demandions plus haut ce que nous sommes autorisés à faire, dans notre état de dépendance, et jusqu’où peut s’étendre notre droit à négocier avec une puissance étrangère.

Nous n’avons aucun droit de négocier, dans l’acception diplomatique de ce mot, nous n’existons pas diplomatiquement aux yeux des autres nations, nous ne pouvons pas faire de traités avec elles, et c’est la métropole seule qui est chargée de défendre nos intérêts ou nos droits vis-à-vis des autres puissances. Mais si le pouvoir politique nous est refusé, nous avons liberté entière d’établir, sous forme d’accord ou de convention spéciale, des relations commerciales avec un pays étranger ; cette liberté, nous l’exerçons pleinement dans la fixation de notre tarif, et nous avons le droit par conséquent d’envoyer en France un commissaire ou délégué qui négocierait avec elle l’abaissement de la taxe de quarante francs par tonneau sur les navires construits en Canada pour ses armateurs, en échange de l’abaissement de l’impôt sur ses vins. Mais pour cela, il faudrait se hâter, parce que c’est au mois d’août prochain que sera renouvelé le traité de commerce entre la Grande-Bretagne et la France. Notre gouvernement