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et couvert grossièrement de larges feuilles d’écorce. C’est dans cette hutte, déjà habitée, comme je viens de le dire, par 30 à 40 hommes de chantier, que monsieur et madame St. Onge s’étaient rendus à pied, de la Rivière Noire, à travers bois, et qu’ils ont passé tout l’hiver de 1884. Quand le matin, Mme St. Onge se levait, elle avait les cheveux littéralement pris dans une masse de frimas, et il lui était impossible de les démêler avant que le feu du poêle n’eût attiédi le froid de ce misérable intérieur. Pour gagner sa pension, elle lavait les effets de tous les hôtes de la hutte, et « souvent, m’a t’elle raconté, j’ai cru que j’allais mourir sur place ; le docteur était convaincu que je ne verrais pas la fin de l’hiver ; comment j’ai pu résister, c’est pour moi un miracle ; je n’en suis pas morte, mais j’ai contracté des rhumatismes dont je ne guérirai jamais. » Voilà ce que c’est que la vie des défricheurs qui s’aventurent les premiers dans la forêt.

Pendant ce temps, St. Onge construisait seul, à deux milles plus loin, sur le bord même de la rivière à Pierre, le log-house qu’il habite aujourd’hui, mais depuis lors considérablement agrandi et amélioré. Quand il s’y rendit au printemps avec sa femme, ils n’avaient à eux deux pour toute fortune qu’un dollar, et personne, pas une âme auprès d’eux pour les aider, les secourir, leur prêter le moindre appui. Mais le chemin de fer se construisait toujours, malgré les prédictions des incrédules, et la foule des travailleurs était arrivée à la rivière à Pierre. C’est alors que St-Onge eut l’idée et trouva les moyens de commencer un petit commerce de provisions, de tabac et de tous