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rant sans merci les arbres les plus robustes, tandis que les broussailles rampantes lui échappent. L’air est plein d’une poussière ardente coupée de longues flammèches qui, en s’envolant dans toutes les directions, vont porter l’incendie dans des endroits jusqu’alors épargnés, pendant que d’autres, tout voisins du fléau, restent intacts. Là où le feu a pour ainsi dire sauté par dessus le dôme de la forêt pour aller au loin distribuer ses colères, apparaissent de grands arbres, secs et dénudés, solennels, impassibles comme des rangées de squelettes, sans une branche jusqu’à la mi-hauteur du tronc, et laissant tomber de leur moitié supérieure leurs feuilles mortes, une à une, lentement, par intervalles, comme les pleurs silencieux qu’on verse dans l’abandon.

Les bouleaux surtout sont démesurément longs et maigres. Le bouleau est le yankee des forêts du nord, avec une écorce beaucoup plus souple que la peau de nos chers voisins ; sa qualité supérieure est de pouvoir pousser dans n’importe quelle espèce de terre, surtout dans la mauvaise ; c’est pourquoi il n’y a pas un pouce de terrain inutile dans notre pays, si ce n’est peut-être celui de l’ancienne caserne des Jésuites où les bouleaux vont bientôt sans doute faire leur apparition, à moins qu’on ne les prévienne par quelque nouvelle construction monumentale, surchargée « d’extras » et sillonnée d’avance de lézardes, comme les murs de notre palais législatif.