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jusqu’à 57,000 canadiens, c’est-à-dire presque autant que le Canada tout entier en comptait à l’époque de la conquête. Dans Ontario, l’on compte aujourd’hui environ 120,000 canadiens-français ; des comtés, comme ceux de Prescott et d’Essex, situés l’un à l’extrémité ouest, l’autre à l’extrémité est de la province, en possèdent, à eux seuls, chacun une quinzaine de mille. Et dire que c’est ce dernier chiffre qui exprimait ce que la province d’Ontario tout entière renfermait de franco-canadiens, il n’y a pas plus de trente ans !

Si nous passons aux Provinces Maritimes, nous y trouvons 110,000 habitants de langue française. Dans le Manitoba et le Nord-Ouest, il y en a environ 15,000. Voilà bien deux millions d’êtres appartenant à la même famille, à la même nationalité, répandus sur la surface du continent américain, non pas disséminés, mais groupés, formant un élément distinct, libre dans son action, libre dans son expansion. Or, deux millions d’hommes unis par la parenté de la langue et du sang, par une origine et par des aspirations communes, et par le même instinct d’un avenir longtemps pressenti qui, aujourd’hui, se dessine de plus en plus nettement, c’est là une force prodigieuse, une force unique sur ce continent où toutes les nationalités, excepté la nôtre, se fractionnent, s’altèrent ou s’effacent plus ou moins dans l’ensemble général ; et cette force devient insurmontable, lorsqu’elle est cimentée par un sentiment surhumain, par un sentiment religieux assez intense pour rendre notre nationalité capable de résister à tous les courants qui l’entraîneraient en dehors de sa voie providentielle.