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timents, l’un destiné au « Bar-Room, » le compartiment indispensable du débitant de liqueurs américain, et l’autre servant de chambre à coucher à la famille du landlord, qui, à vrai dire, était et devait être dans ce désert la seule consolation du tavernier, un Anglais fort bien élevé, qui, d’après ce que j’avais appris, avait été jadis dans une heureuse position. La seule distraction de cet exilé était de recevoir de temps à autre un numéro dépareillé du Journal de Québec, où il trouvait des nouvelles de son pays natal. Une particularité digne de remarque, c’est que cet honnête tavernier éprouvait un orgueil sans pareil à nous montrer, à travers les vitres gelées de l’unique croisée de son parloir, quelques centaines d’arpents de terre défrichés sur lesquels s’élevaient onze ou douze cabanes informes, auxquelles il donnait le nom de village Royal. « Douze ans avant cette époque, nous disait-il, ma colonie n’existait pas ! »

« Il était nuit noire lorsque nous quittâmes l’hôtel du Roi-Georges, et l’obscurité de la route vint encore ajouter aux difficultés du chemin.

« Nous avancions avec précaution, car les ténèbres paraissaient s’épaissir de plus en plus, et nous craignions fort de nous être égarés, d’autant plus que notre guide paraissait lui-même partager cette opinion. Au moment où nous nous y attendions le moins, Jack se mit à crier d’une voix de stentor ; et à notre grande joie, après dix minutes d’un exercice digne d’un ophicléide de Sax, nous aperçûmes devant nous, à quelques