Page:Buisson, Rapport fait au nom de la Commission de l’enseignement chargée d’examiner le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement congréganiste - N°1509 - Annexe suite au 11 février 1904 - 1904.pdf/29

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Le fait matériel d’enrégimenter et de séquestrer moralement un certain nombre de personnes, après leur avoir fait aliéner les droits inaliénables de la personne humaine, ne constitue pas une recommandation, au point de vue éducatif, pour l’association qui se glorifie d’obtenir ce résultat.

Le fait matériel d’avoir consenti pour la vie entière à cette abdication de soi-même ne recommande pas davantage, comme éducateurs, les signataires de ce pacte mystique et peu respectable.

Le fait matériel de placer des enfants sous l’influence exclusive de personnes choisies dans ces conditions et de les soustraire, pendant toute la durée de l’éducation, à tout autre ascendant que celui de ces mêmes personnes ne recommande pas non plus l’établissement à la confiance et à l’approbation des pouvoirs publics.

Et, puisque c’est aux pouvoirs publics d’apprécier souverainement s’il y a lieu d’encourager un tel système d’enseignement par l’attribution légale d’une personnalité factice, nous concluons avec le Gouvernement que rien ne lui fait obligation et que tout le dissuade d’organiser de ses propres mains, dans tout le pays, des appareils de contre-éducation : il sait trop bien ce qui s’y fera, par la force des choses. Là où est si bien assurée la prépondérance d’un élément ultra-confessionnel, on subordonnera tout, sous prétexte d’enseignement, à une religion et, sous prétexte de religion, à une politique, celle de la réaction. On y fera — ce n’est pas nous qui le disons, c’est un archevêque — « la prédication de je ne sais quel évangile plus humain que divin, plus politique que religieux »[1].


VI
Portée pratique de la loi.


Après avoir réfuté les objections élevées contre ce projet, soit du point de vue de l’histoire, soit de celui du droit, nous devons répondre à un autre ordre de critiques.

On a dit en effet, et l’écho en est venu à la Commission, que cette loi où quelques-uns voient un instrument terrible de persécution, ne sera peut-être en réalité qu’une manifestation à peu près inefficace.

Voyons donc quelle en est la portée pratique. Et après avoir dit ce qu’elle est, disons ce qu’elle n’est pas.

  1. Lettre pastorale de Mgr Fuzet, archevêque de Rouen, janvier 1904.