Page:Bulletin de la société géologique de France - 1re série - 4 - 1833-1834.djvu/62

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hasarder quelques observations sur un inconvénient, bien faible, il est vrai, dans la publicité de nos discussions scientifiques.

Lorsqu’on marche à la recherche de la vérité par la voie la plus lente mais la plus sûre, la voie analytique, une découverte naît en quelque sorte graduellement et d’elle-même, et par suite ne soulève que peu de discussions ; mais il n’en est pas ainsi lorsqu’un esprit, quelquefois supérieur, jette en avant une idée théorique que la synthèse doit ensuite démontrer ; la discussion naît aussitôt de toutes parts : c’est ce que nous voyons maintenant d’une manière remarquable. Pour nous la chose est toute naturelle ; elle résulte de ce que les faits qui doivent établir ou détruire cette théorie particulière ne sont pas encore rassemblés. Spectateurs de la lutte, nous attendons patiemment la vérité, nos doutes restant dans les limites de la question ; malheureusement il n’en est pas ainsi du public (car il est bon de le rappeler, nos travaux sont devenus du domaine public) ; ces discussions si animées, si prolongées, ébranlent sa foi ; et faute de savoir ce dont il doit douter, par prudence il doute de tout. N’oublions pas combien, malgré l’importance de la question, la longue querelle des Neptuniens et des Vulcanistes jeta de défaveur sur les travaux de nos devanciers, et nous désirons par ce motif voir nos discussions se renfermer dans les Sociétés géologiques, où elles peuvent être débattues (mais la seulement) avec profit et sans inconvénient pour la science.

Je ne terminerai pas sans signaler un autre écueil dont il est d’autant plus difficile de nous préserver, qu’il grandit en quelque sorte avec nos succès même : c’est le danger de céder à l’entraînement des idées théoriques. La géologie est à la mode ; la classe instruite, toujours plus nombreuse, suit ses progrès, et le géologue ne peut manquer de s’apercevoir que les recherches théoriques sont les seules qui puissent avoir un succès populaire.

Le public, empressé de savoir, nous demande des théories ; répondons par des faits, travaillons pour les véritables géologues ; si le succès est moins brillant il sera plus durable ; et d’ailleurs, n’est-ce pas un mérite aussi dans la science de savoir se passer de la popularité ?