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DE L’ASIE FRANÇAISE

sans cesse aux Communes sur la question de Mapdchourie. Le 27 mars, le ministre des affaires geres, lord Lansdowne, a fait un long exposé laires de Chine à la Chambre basse de West- minster, mais il a parlé sans beaucoup de précision Iraité mandehou Il a jusqu'à un certain point usiié les paroles de M. de Bülow sur les réserves que Allemagne aurait faites, relativement à la Mandehourie, avant de conclure son dernier arran- vement avec l'Angleterre. « J'ai fait, a dit lord Lansdowne, une enquête sur ce qui s'est passé à l'époque de la conclusion de l'accord, et j'ai appris que le gouvernement allemand nous avait donné à comprendre qu'à son point de vue la Mandchourie ne faisait pas partie des régions dans lesquelles l'Allemagne avait de l'influence. » Et lord'Lans- downe ajoutait, affectant de faire bon marché des divergences entre Londres et Berlin relatives à l'interprétation de l'accordanglo-allemand: « Nous savons que le gouvernement allemand a prévenu le gouvernement chinois contre la conclusion de traités distincts avec d'autres puissances.Il importe évidemment peu que l'Allemagne en soit arrivée là en raison de l'accord anglo-allemand ou par des considérations de politique générale. » Quant à l'attitude du gouvernement anglais lui- même à l'égard du traité russo-chinois, elle n'a pas été très cassante, à en juger par les paroles suivantes de lord Lansdowne :

Nous ne devons pas critiquer avec un esprit de chicane les arrangements entre la Russie et la Chine au sujet de la Mandchourie, si ces arrangements sont de la nature d'un modus vivrndi. D'autre part, il semble résulter des versions données des arrangements sino-russes que certaines elauses de ceux-ci ne sont pas limitées à la Mandchourie, qu'elles ne sont pas d'un caractère provisoire et que quelques-unes d'entre elles sont apparemment en déro- gation avec nos droits et traités..... Si la convention se tenait dans les limites des déclara- tions faites par le comte Lamsdorf à l'ambassadeur anglais, nous n'y ferions pas d'objections; mais, jusqu'à ce que les incertitudes soient dissipées, le gouvernement doit adhérer aux vues déjà exprimées au gouvernement chinois, à savoir qu'il n'était pas désirable que la Chine, pendant le temps qu'elle négociait avec l'ensemble des puissances, conclût des accords particuliers et distincts, comprenant des questions financières et territoriales. Tel est le langage employé par le gouvernement anglais, et je suis heureux de dire aussi que c'est précisément le langage employé par le gouvernement allemand. Celui-ci a recommandé à la Chine de soumettre toutes ces propo- sitions à la Conférence diplomatique de Pékin. Les con- seils du gouvernement anglais étaient conçus exactement dans le même esprit. Non seulement l'Angleterre n'a pas trouvé beau- coup de fermeté chez les puissances qui ont fait des remontrances à Pékin, ce qui explique bien la réserve du langage de lord Lansdowne, mais en- core les Anglais eux-mêmes sont loin d'ètre una- nimes sur l'attitude qui convient à leur pays dans la question mandchoue. Si les uns poussent le gou- vernement à l'intransigeance, d'autres trouvent que l'Angleterre ferait bien de se résigner à l'in- évitable, dans une question où elle est isolée, et de s'occuper d'autres parties du Céleste Empire où


son influence a plus de chance de prévaloir. Cette opinion a été parfois soutenue par des organes aussi considérables que le Morning Post et le Daily Telegraph. Et cependant, malgré tant de mauvaises condi- tions, l'Angleterre est arrivée à ses fins en ce qui concerne le traité russo-chinois : les repré- sentations faites à la Cour l'ont empêchée de si- gner le projet. Il est vrai que la politique anglaise a trouvé ou s'est fait des alliés dans les grands vice-rois de la vallée du Yang-tsé, qui avaient rendu aux étrangers le service de maintenir l'or- dre dans le centre de la Chine pendant que la révolte des Boxeurs faisait rage dans le Nord. Ces vice-rois ont exercé sur la Cour une pression effi- cace contre la ratification du projet de traité mand- chou. Les journaux anglais soutiennent naturel- lement que ces hommes agissent par patriotisme - on sait que les instruments de la politique an- glaise ne sont jamais mus que par les mobiles les plus nobles. A vrai dire, les spectateurs impartiaux se demandent si ces vice-rois n'ont pas été acquis à la politique anglaise par des arguments iden- tiques à ceux que la Russie a abondamment servis à Li-Hong-Tehang pour l'acquérir à la politique russe. Voici comment le Times s'exprimait le 28 mars, comparant l'attitude de Li et des Russes à celle des vice-rois amis de l'Angleterre : « Le parti de la réaction qui a mené la Chine l'été dernier jusqu'au bord de l'abime, et qui est encore puis- sant à la Cour, est, par instinct naturel, solide- ment fixé du côté de la Russie. L'objet suprême qu'il'a en vue est la perpétuation des abus qui l'engraissent et l'impunité de ses amis. Pour l'at- teindre il compte sur la Russie, et la manière dont M. de Giers essaie de couvrir les fonctionnaires locaux, tachés du sang d'innocents missionnaires et marchands anglais, est une preuve que la con- fiance de ce parti n'est pas mal placée en elle..... « Mais, si puissants que soient les réactionnaires, ils ne sont pas le seul parti de la Chine. Les désas- tres qui ont résulté de leur politique, l'été dernier, ont dù fortifier leurs adversaires. En téte de ces adversaires se trouvent les deux hommes remar- quables qui occupent les vice-royautés de Ou- tchang et de Nankin. Thang-techi-foung et Liou- koun-yi ont adressé au tròne les mémoires les plus énergiques contre la signature de cet arran- gement. » Leur résistance, que le Times appelle « un mou- vement national spontané », a eu l'effet désiré. Le projet de traité russo-chinois. devait être signé le 26 mars, dernier délai. Mais au lieu d'autoriser la signature attendue, la Cour a publié un édit impé- rial interdisant aux plénipotentiaires chinois de la donner. C'élait une victoire de pure forme qu'obtenait l'Angleterre, presque un simple succès de procé- dure. Pour faire sérieusement obstacle à la poli- tique russe, il aurait fallu une bien autre foree que la cabale dont nous avons passé en revue les per- sonnages hésitants. La réponse de la Russie a été catégorique : elle a annoncé qu'elle resterait en Mandchourie; elle a fait une déclaration très