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BULLETIN DU COMITÉ

décidée de beatus possidens. Le 5 avril, le Messager du Gouvernement de Saint-Péters- bourg publiait la note suivante, qui est la pièce prineipale, définitive, de toute cette dispute. Si elle n'est pas très sincère dans ses explications, sn conclusion est du moins formelle:

Comptant sur une solution très prochaine des questions relatives aux rap ports que toutes les puissances entre- tiennent avec la Chine, le gouvernement russe avait jugé nécessaire de s'occuper de l'établissement d'un état de choses durable dans les régions de la Chine qui sont limi- trophes des possessions asiatiques de la Russie sur une étendue de 8.000 verstes, Dans ce but, les autorités militaires russes avaient d'abord conclu par écrit, avec les gouverneurs chinois des trois provinces de la Mandchourie, un modus vivendi tem- poraire concernant l'établissement d'une administration civile locale. Le gouvernement russe avait ensuite élaboré, en tenant compte de toutes lescirconstances, le programme d'une entente spéciale avec la Chine en vue de rétablir graduellement l'ordre en Mandchourie, d'effectuer l'éva- cuation de ce pays et de déterminer les mesures tempo- raires qui devaient être prises pour assurer le maintien de la paix dans cette région et empêcher le renouvellement des événements qui se sont produits l'année dernière. Malheureusement on a répandu dans la presse étran- gère, pour exciter l'opinion publique contre la Russie, des bruits alarmants concernant le but et les intentions russes, On a cité le texte apocryphe d'un traité relatif au protec- torat de la Mandchourie. On a publié à dessein des infor- mations erronées touchant une prétendae entente entre la Russie et la Chine. Or, l'entente entre la Chine et la Russie devait servir de base à la réalisation de l'intention que cette puissance a de restituer à la Chine la Mandchourie, qui a été occu- pée l'an dernier par des troupes russes à la suite d'évé- nements inquiétants. Pour prendre les mesures militaires relatives à l'évacuation, il était indispensable de résoudre, dans le sens affirmatif ou dans le sens négatif, la ques- tion de savoir s'il était possible de fixer dès à présent, par une entente des deux parties intéressées, les conditions de l'évacuation de la Mandchourie. D'après des nouvelles reçues ici, on a mis à la conclu- sion de l'entente entre la Russie et la Chine de sérieux obstacles en raison desquels l'adoption de mesures pour évacuer graduellement la Mandchourie a été reconnue impossible. Quant à la restitution finale de ces provinces à la Chine, il est évident que cette intention ne pourra etre réalisée que lorsque la situation normale sera entiè- rement rétablie dans l'empire chinois, qu'on verra soli- dement assis dans la capitale un gouvernement central indépendant et assez fort pour préserver la Russie contre le renouvellement des événements de l'année dernière. Le gouvernement russe maintiendra l'organisation ac- tuelle en Mandchourie, il fera régner l'ordre dans le voi- sinage des vastes frontières de la Russie, et, toujours fidėle à son programme primitif qu'il a souvent fait con- naitre, il attendra avec calme la marche ultérieure des événements.

C'était l'affirmation catégorique de la volonté russe. On s'est demandé pourquoi l'Angleterre a essayé de se mettre en travers de la politique si nécessaire, si irrésistible de la Russie en Mand- chourie et en Mongolie. D'après les uns elle cher- chait un prétexte pour prendre ailleurs des com- pensations : mais, jusqu'ici, elle ne fait pas mine de donner le signal du partage de la Chine. D'après


les autres elle voulait simplement que la question demeuràt ouverte en droitjusqu'à ce qu'elle-même et le Japon fussent mieux en état d'intervenir. Mais l'Angleterre ne saurait eroire que le temps travaille pour elle, alors que chaque jour nous rap- proche du moment où le Transmandchourien, complétant le Transsibérien déjà achevé, pourra déverser des troupes russes en Extrême-Orient. Quant au Japon, il se préoccupe surtout de la Corée, relativement à laquelle la Russie a conclu des accords avec lui, et, malgré les excitations des Anglais, il ne fait pas mine de tirer l'épée. Le Ti- mes lui-même a du répondre à ses confrères « jin- goes » en publiant la dépèche suivante de Tokyo: « Il n'y a absolument rien de fondé dans les bruits de préparatifs guerriers ou de demandes péremp- toires de la part du Japon. L'attitude de ce dernier continue à être pacifique.» L'incident de Tien-tsin. - Si la question de Mandehourie cause un désaccord latent entre la Russie et l'Angleterre, un incident qui s'est pro- duit à Tien-tsin a failli causer un désaccord aigu. Le 31 décembre dernier les Russes, profitant de leurs excellentes relations avec Li-Hong-Tchang, se sont fait donner en concession à Tien-tsin un vaste terrain qui se trouve sur la rive du Pei-ho, en face de la concession anglaise. Les Anglais étaient fort mécontents de voir les Russes s'ins- taller ainsi sur près de quatre kilomètres, en façade sur le fleuve, et ils ont craint que tout tra- vail fait sur la rive opposée ne vint gèner, par suite de l'étroitesse du Pei-ho, les opérations de la batellerie très active sur leur rive. Mais bientôt un incident est venu aggraver les choses. La Compagnie anglaise du Chemin de fer de Tien-tsin à Pékin construisait une voie de garage sur un terrain que les Russes prétendaient etre situé sur leur nouvelle concession. La situa- tion se compliquait de ce fait que les ouvriers employés par la Compagnie anglaise avaient fait tomber un poteau de délimitation russe. L'autorité militaire russe fit cesser de force les travaux; les Anglais vinrent de leur còté garder les chantiers et, pendant plusieurs jours, les soldats russes et anglais ont monté la garde, en face les uns des autres. La moindre imprudence pouvait faire éclater un conflit peut-être irrépa- rable. Heureusement que, si certains journaux anglais, comme le Standard, ont paru perdre la tète, disant que toutes les forces de l'empire britannique devraient être employées à faire sortir les Russes du petit terrain contesté, l'opinion est restée généralement calme. Et, le 20 mars, les deux gouvernements s'entendaient pour examiner la question de la propriété des terrains litigieux, et ils donnaient des ordres pour que leurs soldats se retirassent simultanément, en exécution d'un cérémonial militaire qui a été arrèté par le maré- chal de Waldersee. La route de caravanes par le Turkestan chinois.-M. Ch.-E. Bonin, qui revient de Pékin par la route de l'Ouest, en traversant successive-