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faire croire qu’il n’avait rien appris ni rien oublié dans les mois pleins de responsabilité qui se sont écoulés depuis une déclaration ministérielle où figurait malheureusement la promesse de certains gestes.

Quelques points méritent d’être relevés dans les discussions qui ont duré huit jours. Le premier a trait à des rumeurs fâcheuses qui avaient couru sur notre volonté de maintenir notre situation en Syrie. D’après ces rumeurs, qui ont été relevées dans certains journaux, notamment dans l’Œuvre et la Dépêche Coloniale, par M. Pierre Mille, il aurait été question soit d’un abandon au profit de l’Angleterre de notre Mandat pour la Syrie et le Liban, soit de la Cession à la Mésopotamie de territoires dans la haute Djézireh où pourraient se trouver des terrains pétrolifères.

La question d’une modification de frontière a été soulevée par M. Édouard Soulier dans la première séance du 22 janvier.

Il a souvent traîné et nos adversaires, qui peuvent être quelquefois nos amis politiques, en sont beaucoup plus cause encore que n’importe quel Français il a souvent traîné de tous côtés (a-t-il dit) des bruits de départ de la France de la Syrie. Ils ne traînent plus, je crois, et le rapport de M. Henry Simon est très catégorique à cet égard.

Mais il traine encore des bruits de même sorte, sur la diminution envisagée de nos possessions syriennes. On dit que nous serions disposés à céder une partie de la Syrie actuelle aux Tures, Alexandrette, Antioche ou peut-être Alep, ou aux Anglais tout le haut Djezireh.

M. le Président du Conseil. ― Il vaut mieux arrêter net ces bruits toute de suite.

M. Édouard Soulier. ― Je tenais, Monsieur le Président du Conseil, à vous faire prononcer cette parole, qui aura un grand retentissement en Syrie et dans tout l’Orient et qui donne satisfaction aux hommes passionnés comme moi pour notre situation dans le Levant.

Vous les apaisez et vous leur permettez de se donner pleinement à la joie de sentir la Syrie attachée à la France ; ils sont libres de tourner leurs soucis vers d’autres préoccupations.

M. le marquis de La Ferronnays. ― Aucun de ces bruits n’est fondé, Monsieur le Président du Conseil ?

M. le Président du Conseil. ― Aucun de ces bruits n’est fondé.

M. Franklin-Bouillon. ― Et ne sera jamais fondé pour personne.

M. Édouard Soulier. ― Dites-le très haut, Monsieur le Président de la Commission des affaires étrangères…

M. Franklin-Bouillon. ― Je puis dire qu’il n’y a pas de légende plus fausse que celle qui représente le gouvernement du Ghazi Moustapha Kemal comme décidé revendiquer une partie quelconque du territoire syrien. Je parle ici en qualité de négociateur des accords.

J’ai le devoir de dire la vérité. On a prodigué des attaques à ce sujet contre le négociateur : il pourrait dire, cependant, s’il avait l’habitude de fuir les responsabilités, qu’il n’est en rien responsable de cette frontière ; qu’elle a été tracée en dehors de lui par le Gouvernement, qui lui a simplement demandé de la faire accepter par les Turcs après leur victoire, alors qu’ils avaient refusé même de la discuter lorsqu’ils étaient presque vaincus.

Cela n’était pas particulièrement facile. Mais c’est un autre ordre d’idées.

La vérité, c’est que lorsqu’après de longues discussions entre Moustapha Kemal pacha et moi, ces frontières ont été arrêtées, elles l’ont été de part et d’autre, avec une bonne foi sans réserves. J’irai plus loin ; la position prise par les Turcs est le résultat naturel des conceptions nouvelles avec lesquelles s’est fondée la grande république d’Anatolie.

Vous ne pouvez ignorer que la Turquie, dans ses rapports avec la Syrie, n’a jamais rencontré que des difficultés.

La Turquie nouvelle a accepté, dès la première heure, que la sanction de la faute commise en s’alliant aux puissances centrales fût la perte de ses possessions non turques. Elle est revenue ainsi d’Aden à Adana.

Et c’est précisément parce que c’est un des principes de la politique actuelle de ne pas s’occuper des territoires non turcs, qu’on peut être assuré que la parole de leurs dirigeants sera tenue.

Mais comme il est forcément resté de notre côté de la frontière quelques Tures et qu’il est des intérêts tures des deux côtés de la ligne qui va d’Alexandrette à Djerablous, le Gouvernement d’Angora a demandé qu’on établisse un modus vivendi qui évite tous les conflits.

S’autoriser de cela pour affirmer qu’il veut reconquérir les territoires qu’il a reconnus syriens, c’est plus qu’une erreur, c’est une injustice.

J’ajoute que cela peut constituer un danger.

Plus on essaiera de faire croire qu’il y a des difficultés nécessaires, si je puis dire, entre la Turquie et la France, plus on réussira à les faire naître.

On risque de créer artificiellement un irrédentisme qui n’existe pas en réalité et, sous prétexte de défendre les intérêts de la France, on les compromettra gravement.

Notre politique doit être de proclamer que la frontière qui a été fixée de bonne foi entre les deux peuples, est définitive. Mais en même temps on doit faire des deux côtés — je n’ignore pas qu’il y a eu des torts des deux côtés — une politique si pleinement amicale qu’il ne puisse naître aucun incident de frontière. Une égale bonne volonté, un égal souci de la justice chez les deux Gouvernements établira entre les deux peuples l’harmonie nécessaire. Il le faut pour eux ; il le faut pour la paix de l’Orient.

Plus nous sommes décidés à rester en Syrie, plus nous devons avoir vis-à-vis de la Turquie une politique de cordialité absolue. Sans quoi la Syrie ne serait pour la France qu’une lourde charge.

Nous resterons là-bas dans l’intérêt des populations que nous avons accepté de défendre et dont nous devons assurer l’avenir.

En plein accord avec nos voisins et nos alliés, nous rétablirons la paix en Orient tout en y établissant la justice.

M. le marquis de La Ferronnays. ― Je demande à M. Soulier de me permettre de poser une question à M. le Président du Conseil.

Les éclaircissements que vient de donner M. Franklin-Bouillon, président de la Commission des affaires étrangères, ne répondent qu’à une partie de la question posée. M. le Président du Conseil peut-il me dire s’il n’est question d’aucun remaniement de frontière des territoires sous mandat syrien ?

M. le Président du Conseil. ― Aucun.

M. le marquis de La Ferronnays. ― Pas plus du côté de la Palestine que du Hedjaz ou d’autres territoires sous mandat syrien ?

M. Édouard Soulier. ― Pour préciser, il n’est pas