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moi, je suis de ceux qui répugnant absolument à admettre que la lettre anonyme de reproches, quelque dubitative qu’elle soit, adressée par le dernier des évêques à Robert, et qui a été l’objet de tant de controverses au xviie siècle, soit réellement tombée de la plume de Marbode. Il me paraît impossible que dans l’âme si bienveillante de l’évêque le soupçon ait pu trouver place contre l’archidiacre, dont il avait dû mieux que tout autre apprécier les œuvres[1].

Marbode eut la fortune de prendre le bâton pastoral au début d’une période de renaissance et de réparation. Il eut un épiscopat laborieux, mais fructueux. Il vit sans doute les choses saintes dans des mains profanes, et il put écrire la sanglante satire Des Prévôts ; mais il vit plus d’une fois des seigneurs repentants remettre entre ses mains les bénéfices par eux usurpés, afin qu’il en opérât la restitution canonique aux monastères ; sans doute il vit chez plus d’un bandit féodal des repentirs hypocrites trop tôt suivis de retours scandaleux à des habitudes de forban, et il put écrire son chef-d’œuvre, le fabliau Du Loup qui se fait Moine ; mais, d’un autre côté, il vit aussi le zèle de l’aristocratie bretonne à suivre son duc aux croisades, et l’émulation de tous dans la fondation des prieurés et des monastères ; il vit la Bretagne se couvrir d’abbayes et de prieurés, et le clergé régulier réparer en tout lieu les scandales d’un clergé simoniaque et honteusement ignorant. Lui-même, quand il fut obligé de sévir contre les chanoines indignes de la collégiale de Vitré, il trouva dans les seigneurs du lieu un appui énergique pour substituer à ces misérables les édifiants religieux de Saint-Melaine. L’influence que le prélat devait à son caractère, à ses talents, à ses vertus, se doublait de selle que lui donna sur le duc Alain Fer-

  1. Voir Dissertation apologétique pour le bienheureux Robert d’Arbrissel. — Anvers, 1701, — in-12.