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cassel

Le vase tombe, et, au son des cloches, un prodigieux bruit de verre brisé succède. Tous les vases sont à terre en miettes scintillantes ; tous les cœurs sont partis dans l’espace. Et le petit garçon sanglote, car dans sa poitrine brûlent de nouveau la douleur et la joie de vivre…

J’entends battre tous les pauvres cœurs emprisonnés, dans le calme équivoque de la nuit qui déjà pénètre la forêt…

Et je marche encore ; toujours plus loin du monde réel ; et soudain, c’est fini, il y a du jour là-bas, devant moi, une route. On en sort de cette forêt, hélas !

Deux passants auxquels je demande ma route, car de Wilhemshöhe nulle trace à l’horizon, m’examinent avec sévérité. Il est tard, et j’ai l’air « drôle ». Comment une dame respectable va-t-elle se perdre dans les bois à la chute du jour ? Je leur dis que je suis Française, et leur surprise augmente visiblement. Une Anglaise encore… mais une Française ? Ils me montrent le chemin, et je m’en vais par les champs pleins d’odeurs.

L’inquiétude est restée dans la forêt. Je me retourne parfois pour regarder la ligne sombre des arbres. Il me semble que des yeux sont dans ce noir, des yeux qui me suivent et me rappellent.

Ce n’est pas chose indifférente de se perdre dans la forêt allemande…