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weimar

amour de la pensée. Et ainsi, près de son lit de mort, persiste l’image victorieuse de sa grâce.

Dans ma chambre d’hôtel, les murs sont ornés des portraits en silhouette de Goethe et de Charles-Auguste. Je songe à tous les glorieux personnages avec lesquels il m’a fallu vivre si constamment depuis mon arrivée. Demain j’entrerai dans la maison de Goethe, dans celle de Schiller !… Weimar a déjà discipliné mon esprit, je suis prête pour le culte… Tout à coup, dans la nuit et le grand silence, une musique cuivrée éclate. Je vais au balcon d’où pendent des géraniums roses. Sur la place du marché, absolument déserte lorsque je l’ai traversée au retour de ma promenade nocturne, il y a maintenant une triple haie de gens qui attendent, silencieux. La place elle-même reste vide, les pavés gris légèrement teintés de bleu par un croissant de lune, brillent. La fanfare débouche au fond : une vingtaine de musiciens qui jouent une allègre marche. Derrière viennent deux jeunes gens et deux jeunes filles, ceux-là portant des torches, celles-ci des lampions blancs, pâles et luisants comme d’énormes perles. Deux jeunes gens et deux jeunes filles suivent les premiers, d’autres encore, d’autres… La longue procession traverse toute la largeur de la place, puis revient sur ses pas. Une seconde file lui succède et une troisième. Peu à peu, l’espace vide est envahi par les flammes rouges des torches et la lueur