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un voyage

ture sans lendemain ! Installer chez soi une femme, choisie seulement pour son teint frais et ses vingt ans, prendre pour compagne de sa vie une artisane inculte, n’était-ce pas sciemment, volontairement renier l’ancienne idole, marquer comme avec une intention cruellement réfléchie, sa lassitude et son mépris de l’admirable passé ? Charlotte pouvait pardonner beaucoup, non pas cela. Ce fut la rupture. Même, Mme von Stein commit une tragédie — je me confesse de ne l’avoir pas lue — où de son mieux, paraît-il, elle malmena l’infidèle. Et ce dut être triste infiniment, après avoir, des années, écrit sous la dictée de Gœthe, d’écrire seule chez soi, une tragédie pour le ridiculiser.

Le bel amour s’acheva dans les récriminations, les regrets d’avoir trop donné, l’injustice envers les heures parfaites, comme s’achèvent souvent les passions tendres, et, presque toujours, celles des gens qui vivent face au public et, sachant que la postérité épiloguera sur des émotions si illustres, mêlent leurs vanités à leurs peines.

Gœthe épousa la petite Christiane aux joues éclatantes qui, comme beaucoup d’autres dames moins naïves qu’elle, l’admirait sans le comprendre. Charlotte von Stein et ses amis avaient coutume, en parlant d’elle, de l’appeler la « bonne ». En effet, elle fut une servante dévouée absolument aux vouloirs du grand homme. Elle lui donna les satisfactions qu’il espérait. Si fraîche et charmante d’abord, soumise et respectueuse toujours, elle ne l’agitait pas, et ne lui offrait aucun conseil. Aux derniers