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les maisons sacrées

Ce désir du plus vaste, du plus général qui l’emportait loin, ailleurs, Schiller ne l’avoue-t-il pas clairement, lorsqu’il dit : « C’est un pauvre but qu’écrire pour une nation. Un esprit philosophique ne peut pas supporter de telles limites… La nation la plus puissante n’est qu’un fragment, elle ne saurait guère échauffer l’esprit des penseurs au delà du point où elle et sa fortune ont eu de l’influence sur les progrès de l’espèce humaine. »

Et pas plus que par le préjugé national, il ne voulait être limité par l’actuel. « L’artiste, cela est vrai, écrit-il, est le fils de son temps. Mais plaignons-le s’il en est l’élève, ou même le favori… Et comment doit-il résister à l’influence corruptrice de son époque ? En méprisant ses décisions. Libre à la fois de la vaine activité qui cherche à imprimer sa trace sur l’instant fugitif, et de l’enthousiasme douloureux qui compare à la perfection les maigres produits de la réalité, qu’il laisse l’actuel au sens commun, — c’est sa province — et lui, qu’il s’efforce de trouver l’idéal en réunissant le possible et le nécessaire. Qu’il marque de cet effort ses jeux, ses rêves, la sincérité de ses actes, toutes les formes spirituelles et sensibles et les jette dans le temps éternel. »

L’heure que l’on vit, le lieu auquel on appartient, l’indispensable laideur, la médiocrité, tout le réel, il n’en voulait pas, ce rêveur.