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les maisons sacrées

commença d’apprendre les littératures qu’ensuite, il sut si bien, parmi les feuilles et le vent.

Ces premières difficultés mises à la satisfaction de son plus impérieux besoin, contribuèrent peut être à lui ôter le goût de s’entendre avec ses semblables. Très tôt il fut de mauvaise humeur, encore que, très tôt, la qualité de son intelligence s’imposât dès qu’on l’approchait. À peine arrive-t-il quelque part, il se trouve des gens que ses dons d’esprit frappent assez pour qu’ils viennent à son secours, l’appuient, le recommandent. Nul ne fut moins méconnu. À dix-neuf ans, — si je ne me trompe — il était pourvu d’une chaire. Ses ouvrages soulèvent de grands mouvements de colère ou d’approbation, jamais il ne rencontre l’indifférence. Avant l’âge mûr, les honneurs pleuvent sur lui ; dès la jeunesse il apparaît à tous considérable ; on le suit, on le loue : il est de mauvaise humeur.

Non pas sombre, brillant au contraire, spirituel, mais prenant un large plaisir à être désagréable et y réussissant en virtuose. Gœthe, qui l’admirait et vécut avec lui en bons termes, ne pouvait évidemment pas le souffrir. Ce fut lui pourtant qui conseilla au Grand-Duc d’inviter Herder à Weimar, car Gœthe eut un magnifique amour de l’intelligence, et qui primait tout. Mais n’importe : il appelait Herder son ami, il le louait hautement, et puis il le détestait.

Il a raconté leur première rencontre qui se fit à Strasbourg, tous deux étant très jeunes et Herder de cinq ans l’aîné. Goethe tient à montrer sa grande