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un voyage

traits et les bustes de son frère, ses papiers, ses livres. Les objets qui furent à lui gardent quelque chose de l’« éternelle vivacité » qu’il voulait aux créatures selon son esprit, et composent le plus émouvant musée. On ne rencontre pas ici, les troupes distraites, au verbe trop sonore, qui souvent blessent la dignité et le recueillement des autres maisons de mémoire. Les Nietzsche-Archiven ne sont pas ouvertes au public. Mais la sœur qui a créé ce lieu de vénération est clémente aux inconnus qu’un profond amour, une reconnaissance infinie conduisent à sa porte.

La demeure accueille avec charme. Pourtant on cesse presque aussitôt de percevoir les signes de l’existence gracieuse et élégante qui continue entre ces murs. Les sensations actuelles ont moins de réalité que le souvenir déchirant et magnifique dont il faut subir l’exaltation.

La grande pièce où on a fait le musée, Nietzsche n’y est pas venu : elle fut après sa mort ajoutée à la maison. Cependant, il est là. Son formidable silence – sa douleur ! — habitent cet endroit plein de lumière, y pèsent sur les choses. Le cœur en est accablé. Puis un instinct de révolte circule dans toutes les fibres, dans tout l’esprit. Comment supporter que ces êtres presque divins, soient frappés au centre même de leur puissance ! Michel-Ange aveugle, Beethoven sourd, Nietzsche fou, comment supporter cela ?…

On a mal à l’âme dans ce musée. Le sentiment de la gloire n’apporte nul apaisement. Les objets