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un voyage

l’harmonie de toutes ces choses permet et conseille de croire.

Et puis, en tout cas, c’est bien vraiment sa chambre. Par cette fenêtre, il a regardé la forêt, le ciel… et son inquiétude. Car ce furent des mois de grand malaise qu’il passa dans ce donjon, où l’Électeur de Saxe le retenait pour le soustraire aux haines qu’il avait soulevées et aux périls de sa propre violence. La Wartbourg et son auguste paysage enserraient comme une prison ses craintes et son attente.

Pour le dissiper un peu, le cordial Électeur le fit un jour mener à la chasse, mais, il l’a raconté, la chasse n’était pas son affaire. Il lui déplut amèrement de voir tuer les pauvres jolies bêtes, et, ayant aperçu un petit lièvre tout applati d’épouvante sur le sol, il le ramassa, le mit dans sa manche, résolu de sauver celui-là au moins. Hélas, les chiens arrivant pleins de cris et de rage, ce lièvre de peu de cervelle eut tellement peur que pour fuir il sauta hors de son asile. Incontinent il fut happé, dévoré, il n’en resta qu’un peu de sang au nez des chiens. Luther dit : « Plus de chasse pour moi » et revint dans sa tour vers ses songeries qui toutes n’étaient pas joyeuses. Il écrit : « Me voici en ce lieu, oisif, contemplatif ; je hais la dureté de mon cœur qui ne se fond pas tout en larmes pour pleurer sur mon peuple égorgé. Pas un ne se lève pour Dieu… Temps misérable, lie des siècles ! Ô Dieu, prends pitié de nous… »

Dans cette chambre il connut de grandes colères,