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un voyage

partie de la Prusse est laide. – Quant à cela j’en suis sûre ! — Les malheureux sapins s’ennuient dans leur sable. On éprouve la détresse sourde que donnent les lieux où la nature a l’air de ne point aimer l’homme, de ne lui vouloir aucun bien, et même : de ne pas vouloir de lui.

Berlin vous accueille sèchement. Les glorieuses, les rayonnantes petites maisons de Weimar, acceptent avec une grâce douce le respect et la tendresse ; à Berlin, il me semble que les grandes bâtisses neuves, sans histoire ni poésie, crient de très haut : « Passez au large ! »

C’est dimanche. En voyage, on se sent un peu plus « étranger » ce jour-là que les autres jours. Dans le dimanche de Berlin on est plus différent, plus loin de chez soi qu’on ne serait dans la lune — beaucoup plus loin !

Je m’en vais par les rues après une rapide installation à l’hôtel où d’abord on m’apprend que : « les Français, quand on leur offre des salles de bains, les refusent toujours ». Et ce propos me fâche horriblement.

Malgré le soleil, il fait gris. Un gris plat, sans transparence, propre à décourager. L’atmosphère de Londres est bien plus grise encore, mais quelle différence ! Elle donne à la moindre coloration une mystérieuse énergie ou une patine riche. Ici, la crudité des tons frais attaque l’œil, et les tons anciens sont tristes, pauvres, morts. L’atmosphère de Berlin n’aime pas davantage les couleurs que le sol de Prusse n’aime l’homme.