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berlin

de Berlin ne soutiennent quoi que ce soit, ils se bornent à « décorer » ; parfois ils se promènent en des frises où la nécessité de leur présence n’apparaît pas clairement. Ils sont singuliers ! Bras et jambes amaigris, torses pitoyables, pieds maltraités par la chaussure, on dirait des ouvriers de fabrique, affaiblis par un travail excessif, une nourriture insuffisante, le mauvais air, et qui, ayant ôté leur chemise par hasard, n’ont pas chaud, ne sont pas heureux.

Ces figures que l’orthopédie réclame, prétendent, je suppose, à ramener le goût vers le réalisme ému des gothiques. Mais les statues gothiques sont rarement nues. On a caché leurs corps malingres sous des plis austères, car le corps n’est rien, il faut l’oublier, voir seulement les yeux qui espèrent, les lèvres qui prient, et encore, les longues mains habiles aux œuvres de charité. Quand on sculpte un corps nu, c’est qu’on veut lui faire affirmer des énergies purement physiques, comme le visage des statues, engoncées dans leurs longues robes, concentre et affirme les énergies spirituelles. La pensée, la foi, l’amour, c’est l’affaire de celui-ci ; la souplesse, la dextérité, la force, l’affaire de celui-là. L’un dit que Dieu règne, l’autre que l’homme est libre et puissant. Mais quand on montre des côtes trop étroites pour respirer, des jambes qui ne sauraient courir, des bras qui ne peuvent rien soulever, que veut-on dire exactement ? Que tout est incertain, et d’ailleurs, va de travers ? Certes, les sculpteurs berlinois prétendent autre chose. Cependant, leurs statues et leurs reliefs orientent vers