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berlin

d’abord, et puis on se demande quels en sont les résultats.

J’ai toujours cru — sans doute suis-je seule de cet avis — que c’était une besogne vaine, peut-être une mauvaise besogne que d’offrir des facilités à l’imagination naissante, et de vouloir imposer une forme précise aux premiers rêves. Ces gentilles statues, les poupées trop pareilles à de « vraies dames », et surtout les livres illustrés, tout cela me paraît apporter une gêne, non un secours aux petits êtres. S’ils sont capables de songerie, ils inventeront eux-mêmes, et bien mieux, l’apparence de la fée au voile de rayons et de diamants, et la forme baroque du méchant bossu, et le beau prince habillé d’argent fin, dont la voix est très douce, et les bêtes falotes qui se transforment. On affaiblit en eux la force créatrice, si on limite leurs visions. Ils acceptent ce qu’on leur montre, car ils sont crédules. Et c’est médiocre, toujours, au prix de leurs rêves. Si, au contraire, ils ont le cerveau lourd, ne rêvent guère, et se représentent difficilement ce qu’on leur raconte, c’est bien pis encore. L’image toute conditionnée leur ôte le goût et l’habitude de l’effort. Elle encourage leur paresse. Au lieu qu’ils essayent de tirer d’eux-mêmes, figures, paysages, formes, ils se rappellent un dessin.

Cependant, on ne saurait le nier, le livre d’images est un principe d’exaltation pour certains enfants — rares enfants qui ont reçu le don de poésie ! — Ils y trouvent ce que, après avoir beaucoup senti, nous trouvons, nous, dans l’œuvre d’art :