Page:Bulteau - Un voyage.pdf/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
un voyage

l’aspect le plus respectable et qui vient vers moi. À trois pas elle s’arrête, fait la révérence, exécute sur place une petite danse très curieuse, après quoi elle grimace effroyablement, puis, en colère brandit son ombrelle, insulte un « Kerl » qui n’est pas là, plonge dans une nouvelle révérence, et file à toute vitesse.

Il y aurait quelque mégalomanie à croire que les fous prussiens organisent contre moi une conspiration ? Oui, sans doute…

Voici enfin le royaume de philosophie ! La grille passée, c’est d’abord une fontaine admirable, d’où en un jet large et blanc l’eau monte à une hauteur énorme. Devant moi, la statue de Frédéric II et les six terrasses couvertes de roses et d’arbres fruitiers. À mesure que j’avance, le château avec sa rotonde, son dôme, ses larges fenêtres, se découvre peu à peu, d’une élégance simple et pleine de grâce parmi les arbres et les fleurs.

D’abord il s’appelait soit « La Vigne », soit « Lüsthaus ». Charmé par le nom de Kummer frei, que le comte de Manteuffel donnait à une petite maison de plaisance en Poméranie, Frédéric, — qui eut tant et de tels soucis, — le traduisit en français, et fit écrire en lettres d’or : Sans Souci, au front de sa demeure aimée. C’est seulement vers 1749, qu’il prend le titre de « Philosophe de Sans–Souci », lorsque déjà son âme commence de n’être plus|