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un voyage

Dans cette chambre — d’abord — « frère Voltaire » venait à son plaisir causer, rapporter les feuilles corrigées des Mémoires de Brandebourg, dire une plaisanterie toute fraîche. Puis, — plus tard, — dans cette cheminée le roi détruisit le Docteur Akakia, ce pamphlet écrit par Voltaire contre Maupertuis. Et Voltaire, sans doute, fit rire le roi par ses bouffonneries, tout en regardant les belles flammes que faisait, en brûlant, son esprit…

Le fauteuil où mourut Frédéric est là, et cette petite pendule qu’il remontait lui-même et qui, — naturellement ! s’arrêta le 17 août 1786, à deux heures vingt de la nuit, lorsque ce grand homme, — cet étrange homme ! cessa de respirer.

La bibliothèque est exquise, tout en bois de cèdre, auquel le temps a donné une riche couleur d’ambre sombre. Des guirlandes de bronze doré courent mollement. Quelques beaux marbres qui jadis appartinrent au cardinal de Polignac brillent, blancs et doux. Le plafond est peint par Pesne, auquel Frédéric adressait une épître qui commence ainsi :

Quel spectacle étonnant vient de frapper mes yeux !
Cher Pesne ton pinceau te met au rang des dieux.

« Ce Pesne, dit Voltaire est un homme qu’il ne regarde pas. Cependant, c’est le cher Pesne, et c’est un dieu… Peut-être dans tout ce qu’il écrit son esprit seul le conduit et le cœur est bien loin. » — Peut-être, en effet, bon Votaire !

Dans les armoires de la bibliothèque, rien que des