Page:Bulteau - Un voyage.pdf/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
un voyage

dit-il. Lui a-t-on conseillé cette citation du grand Frédéric ?

J’aimerais à rester là des heures, faisant et refaisant le chemin entre cette chambre et celle du roi, m’arrêtant à regarder par les larges fenêtres le beau jardin quiet, et tout le décor paisible de l’illustre brouille.

Qui eut les plus grands torts dans cette affaire où personne n’eut raison ?

Le xviiie siècle est plein de ces fâcheries tumultueuses dont les héros prennent l’Europe à témoin. Les gens de cette époque avaient les nerfs à fleur de peau. Peut-être la caféine dont ils n’avaient pas encore l’habitude les rendait-elle irritables. Ils l’étaient à coup sûr, et aucun d’eux plus que Frédéric et Voltaire.

Mais pour ceux-ci, la nervosité seule n’aurait pas suffi à les brouiller si gravement. Ils se sont touchés et blessés plus profond que la surface.

Voltaire se conduisit fort mal… Mais Frédéric ?…

Frédéric est un puissant caractère. Les forces de résistance sont portées chez lui à un degré surhumain. Personne n’eut la volonté plus inflexible. Dans l’épreuve, il est merveilleux. Quand tout semble perdu, il n’a pas de faiblesse désespérée, mais de la colère. À vrai dire, il porte sur lui un poison foudroyant, et en une heure atroce parle de se tuer. Mais il sait bien qu’il ne se tuera pas. Presque écrasé, le sol se dérobant sous ses pieds, « demi-Mithridate et demi-Trissotin », il fait de mauvais vers,