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un voyage

daine, elle n’a aucune mièvrerie pourtant, mais une élégance ferme, rassemblée. Certains ornements, par exemple une corniche aux lignes brisées, aux angles multipliés, d’autres motifs encore, apportent comme un souvenir affaibli de ce style ample et riche auquel nous n’accordons pas encore l’admiration qu’il mérite : le baroque romain.

La tour se coiffe d’une ravissante coupole côtelée, pareille un peu à un turban. L’architecte italien devait avoir la cervelle pleine de turqueries le jour où il dessina ce drôle de petit chapeau pour sa svelte tour repercée.

L’intérieur de l’église est gai. Rien de si joyeux que cette blancheur légère, ces guirlandes, ces statues gesticulantes et cette chaire ! Cette chaire, destinée aux graves paroles, terribles ou consolantes, a l’aspect d’une luxueuse boîte à poudre. L’abat-voix ferait un couvercle admirable ! Parmi les volutes, les rinceaux, des anges gras et farceurs volent, sautent, bousculent les instruments de la Passion jetés dans un désordre pittoresque. C’est une curieuse chaire !

Au-dessus du maître-autel, les tribunes de la Cour, blanches et dorées, sont de belles loges de théâtre où toilettes et diamants devaient avoir tout leur effet. Vides pour le moment, elles appellent les yeux. Sans cesse, on y regarde, avec la secrète espérance d’apercevoir… quoi ? des fantômes pareils aux figurines de porcelaine : jeunes femmes à tailles étroites, à hautes coiffures poudrées, vifs seigneurs en velours et dentelles qui raillent à demi-voix le