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gand


monde, les peuples, dévorés par l’envie de plaire à leurs voisins, restitueront les œuvres d’art détachées d’un ensemble par le brigandage ou la sottise. Alors, on verra le Louvre réexpédier à Venise la Chute des Titans ; Tours renvoyer ses Mantegna à Vérone et Berlin, renonçant à garder davantage les panneaux du Van Eyck qu’elle détient actuellement, les rendre à Saint−Bavon, avec mille politesses. Quand viendront–ils ces temps de joie ? Espérons et prions — sans toutefois nous monter la tête.

En attendant les heures bénies, le musée de Bruxelles pourrait toujours remettre ici l’Adam et l’Ève qui manquent. Il n’y songera pas, n’en doutons nullement.

Le Van Eyck pieusement contemplé, je fais ma visite à des objets que je ne manque jamais de revoir quand mon bonheur me ramène à Gand. Ce sont deux grands beaux candélabres de cuivre. Ils appartinrent à Charles Ier, ce roi auquel, s’il vivait, tous les « amis » protecteurs de la beauté devraient offrir la présidence d’honneur dans leurs sociétés, tant ce fut un parfait amateur d’art.

Donc, ces candélabres délicatement repoussés au marteau, eurent la gloire de porter les grandes cires qui éclairaient le roi Charles. Dans la suite, Cromwell — vénéré du peuple anglais pour sa vertu et son inflexibilité — ayant pourvu à ce qu’on décapitât le roi Charles, vendit les flambeaux avec maint autre objet. Dans la suite encore, Cromwell mourut, et le peuple anglais se hâta de mettre sur le trône le roi Charles II qu’il vénérait et chéris-