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un voyage

par le café au lait où, abondante, se mêle l’humble chicorée, par la bière modeste, les tranches de gâteau riche en farine, pauvre en beurre. Après la fatigue de la marche, les besognes et les devoirs de la semaine, ce médiocre repas fait à loisir, dans cet assez pauvre décor, satisfait pleinement ces travailleurs. Et je songe… Je songe à cet autre jour d’été où toute la cour de Saxe arriva ici à grand bruit dans des carrosses peints…

L’occasion était solennelle ! Mlle  Aurore de Kœnigsmark consentait enfin à agréer le grand amour d’Auguste II. On venait à Moritzbourg célébrer dignement un si beau triomphe.

Le matin, la jeune fille avait reçu un habit d’une richesse extraordinaire, et des diamants de reine. Puis on était monté en carrosse : elle, le prince, les chambellans, les dames d’honneur, les officiers, les pages, toute la Cour. Et on était parti, laissant à Dresde l’Électrice : elle eût été de trop dans cette affaire.

À l’entrée du bois qui entoure le château, la voiture où l’Électeur affirmait à la belle Aurore toute la solidité de ses sentiments est arrêtée soudain. On se penche aux portières. C’est, au milieu de ses nymphes, Diane qui supplie le souverain et la déesse Aurore de vouloir visiter son palais. Auguste saute à terre, tend les mains à Mlle  de Kœnigsmark, toute la Cour sort des carrosses. On s’avance vers le palais de Diane, merveilleux pavillon élevé pour la circonstance. Sur les murs peints à fresque, les dames restées seules admirent les