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moritzbourg

fond de la causerie, c’est toujours la Platen, le rouge et le blanc dont elle se couvre pour cacher ses rides, mille détails intimes. La princesse rit aux éclats, c’est si drôle de se moquer de la Platen !… À quelques pas, l’épaule au mur, la Platen retient son souffle, écoute, guette.

Cela dure plus de quatre heures. Deux heures du matin ont sonné depuis quelque temps lorsque Philippe ouvre avec précaution la porte qui, de l’antichambre de la princesse, donne sur la galerie. Il la referme, avance à tâtons ; soudain, il se sent empoigné, il se dégage, tire son épée, se défend furieusement, l’épée se rompt ; haché de coups, Kœnigsmark tombe. Il fait clair, maintenant, la comtesse de Platen est là, tenant un flambeau. Il la voit, il veut parler à travers le sang qui empâte sa langue. Elle s’approche, pose rudement son pied sur la bouche ouverte, écrase le reste de cette vie. Il ne bouge plus. Alors, elle s’en va : sa semelle laisse des traces rouges au parquet ; elle entre chez le duc — pauvre homme, il ne devait guère dormir, cette nuit-là ! — Elle raconte : Kœnigsmark n’a pas voulu se laisser arrêter, il s’est défendu ; par mégarde, dans l’ombre, on l’a tué. Le duc est dans une grande colère, on va lui faire mille ennuis. Auguste de Saxe, qui aime tant Philippe, demandera des explications. Que dire ? Quelle insupportable affaire ! La Platen le laisse crier ; puis, quand il n’a plus de souffle, elle demande s’il veut qu’elle se charge de toutes choses : elles seront bien achevées. Il consent. Que peut-il ? Elle retourne au