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moritzbourg

divorce, qu’elle avait tant désiré, hélas, fut prononcé, laissant à son mari le droit de se remarier, à elle non. Ensuite elle vécut trente ans, prisonnière dans la forteresse d’Ahlden. Pauvre princesse, pendant que les heures sans espoir s’accumulaient vainement, redisait-elle au fond de son cœur solitaire : « Je vous appelle à moi jour et nuit. Je vous attends, je vous souhaite et ne rêve qu’à vous ? » Ou bien avait-elle oublié, dans son morne ennui, le beau jeune homme qui, parce qu’il l’aimait, saigna à mort contre sa porte ?…

Malgré les humiliations qu’il lui fallut subir, ses enfants furent reconnus légitimes : « Le duc de Hanovre ne demeura pas persuadé de ce dernier article », remarque Saint-Simon. Cependant, quoique les dates de cette histoire d’amour ne soient pas fixées avec précision, il paraît certain que le fils de Sophie-Dorothée[1] était né avant qu’elle retrouvât Philippe. Mais sa fille ? Sa fille, qui épousa le prince royal de Prusse et fut la mère de Frédéric II ?… A-t-on l’esprit révolté par l’absurde et l’invraisemblable, lorsque, rêvant à cette histoire qui demeurera éternellement mystérieuse, on se dit que peut-être, dans les veines du Grand Frédéric, battait le sang indomptable des Kœnigsmark ?…

Charles-Jean de Kœnigsmark, mort de la fièvre, Philippe, disparu, il reste pour porter le nom de

  1. Georges II d’Angleterre.