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moritzbourg

où il serait roi des juifs ! Cet admirable déclassé promène avec lui l’inquiétude d’un souverain à qui on aurait volé ses États. Voilà l’héritage d’Auguste de Saxe.

Et quant à celui des Kœnigsmark, il est assez visible. Comme eux, il se bat pour l’étranger, mais garde son indépendance : « Je suis heureux de servir la France, dit-il à Louis XV, mais le jour où les envieux m’auront enlevé la confiance du roi, pense-t-on qu’il y ait un pays en Europe qui refuse le secours de mon épée ? » Cette France qu’il sert si bien, dès qu’on l’irrite, il songe à s’en aller servir contre elle. Il est un condottière que rien n’attache où l’on ne se bat pas ; sa patrie est le camp quel que soit le drapeau qui y flotte. Comme ses ascendants, il fait la guerre pour la guerre. Il la ralentit pour qu’elle dure, cette guerre où il respire à l’aise. Et puis, il est un prodigieux pillard. On s’en effarouchait. Grande injustice ! Le fils d’Aurore fut ce grand capitaine, parce que la volonté de la race se ramassait en lui pour donner une expression exacte et totale de ses énergies. Il fallait qu’avec son génie militaire, son goût de bataille et de risque, il eut aussi l’instinct de liberté sans limites des Kœnigsmark, et leur certitude d’être au-dessus des lois. C’est à eux qu’il obéissait quand il fit emprisonner la gentille comédienne Mme  Favart, coupable de s’être éprise de son mari, et de ne vouloir pas — ou plus — l’aimer, lui, le maréchal de Saxe ! Vilaine action ! Certes. Et indigne d’un héros. Oui, mais le grand-père de ce héros-là eût tué sans cau-