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en hollande


il faut penser au malade terrible et terrifié, qui du fond d’une cellule ordonnait au meurtre de proclamer la gloire de son Dieu.

Dans le musée où l’on a réuni les souvenirs du Taciturne et de son époque, un gardien surveille les visiteurs. C’est un agréable petit vieux qui a les bonnes façons d’un majordome. Je lui pose quelques questions, je choisis nombre de photographies. Nous sommes un moment seuls dans la grande pièce où Guillaume d’Orange dînait, lorsqu’on vint l’avertir qu’un homme demandait à l’entretenir. Balthasard Gérard : l’assassin ! — Le respectable vieux gardien s’approche, me regarde avec une curieuse attention, puis : « Vous aimez le prince Guillaume ? » demande-t-il. Je l’en assure. Il hésite : « Cependant, vous êtes Française ? » Je conviens aussi de cela. Et ma surprise est grande de voir à quel point la figure de ce gardien peut exprimer un sentiment tout autre que la bienveillance. « Expliquez-moi, dit-il d’un ton rude, pourquoi tous les Français qui viennent ici pouffent de rire, oui, ils pouffent ! quand je leur montre la marche de l’escalier où le prince est tombé mortellement atteint, par l’envoyé de ce gredin de Farnèse ? » Comment dire quelle sombre mine de colère et de peine le vieil homme a prise en prononçant cette phrase ? Je sens qu’il faut excuser de quelque façon mes compatriotes, et je fais remarquer d’abord, que chaque peuple a ses imbéciles, et puis, que tous les Français qui voyagent en Hollande ne sont pas profondément accointés avec l’histoire du Taciturne, nombre d’entre eux