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ratisbonne

si bien les cours d’Allemagne, qu’ils sont émouvants et beaux, combien je les aime !

J’entre dans la salle de la diète. Elle occupe toute la bâtisse. Bien que repercée entièrement par les fenêtres de la façade, elle est assez obscure et grandement majestueuse aussi. Quelques tapisseries admirables pendent sur les murs. Au fond, le trône de l’empereur. On n’a pas restauré, badigeonné outre mesure. Cette grande carapace vide et brune conserve sa mémoire. Pleine de solitude, de silence et d’ombres, elle vit encore. Que d’idées pour lesquelles, sans le savoir, nous luttons toujours ont été balbutiées ici pour la première fois !…

J’aimerais à connaître l’histoire de toutes les diètes de Ratisbonne ! Mais, on s’en doute, je ne la connais nullement. Toutefois, je me rappelle que, en 1454, dans le gentil mois d’avril, l’empereur Frédéric III invita non seulement tous les princes d’Allemagne, mais encore tous les souverains d’Europe à se réunir ici en diète solennelle. Un an plus tôt, dans ce même mois des roses, Mahomet II avait méchamment pris Constantinople. Chacun craignait de voir arriver chez soi ce petit turc au grand nez maigre, à l’œil perfide, dont Bellini, dans un précieux portrait, a montré si naïvement et si fortement la sournoiserie et la cruauté. Le pape implorait à grands cris la croisade, princes et monarques devaient venir à Ratisbonne pour en délibérer. Seulement, il ne vint presque personne — l’empereur même se découvrant un goût soudain d’aller ailleurs, se fit excuser.