Page:Bulteau - Un voyage.pdf/425

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
410
un voyage

compliquées. On admirait surtout, paraît-il, un noyau de pêche où elle avait représenté la Passion du Christ. N’est-ce pas une chose charmante, et féminine à ravir, après avoir mangé une pêche, de se mettre à graver sur le noyau la plus grande tragédie du monde ? Cependant Properzia ne s’en tint pas à ce travail délicatement symbolique, elle tailla du marbre aussi. Et puis elle devint amoureuse. Peut-être n’avait-elle guère de beauté ; peut-être sa jeunesse commençait-elle de la quitter quand lui advint cet accident. Toujours est-il que l’objet de sa tendresse ne voulut pas d’elle. Alors, Properzia fit un bas-relief que l’on voyait jadis à l’« Œuvre », de San Petronio — et qu’on y voit peut-être encore. — Ce bas-relief devait raconter la misère de la pauvre fille. Cherchant dans ses souvenirs une héroïne de l’amour méconnu, Properzia n’en trouva pas de plus significative que : Mme  Putiphar… Le bas-relief, c’est l’histoire de Joseph et de cette ardente personne ; et la légende affirme que ce Joseph ressemble trait pour trait au farouche jeune homme qui refusa d’aimer quand on l’aimait si fort. Le marbre achevé, Properzia de Rossi se laissa mourir de sa langueur et de sa peine.

Tandis que je songe à cette dolente passionnée, j’aperçois une femme pauvrement vêtue qui s’agenouille devant la grille close d’une chapelle. Elle est tombée là comme blessée. Elle prie, les yeux fixes. Ce ne sont ni les dorures ni les statues embrumées qu’elle voit, ni rien de ce que je peux voir.