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ravenne

pense. » Puis ce trait : « Oh ! ce que c’est que de nous ! » Et enfin ! « Ecrivez à ma fille. Vous savez que j’ignore le langage du sentiment. » — Oui.

Dans ses lettres à la Saint-Simon, M. de Boissy donne sur son caractère des renseignements très topiques : « On me dit : Faites cela, charmé de le faire ; ne le faites pas, charmé de ne pas le faire ». « Je suis comme un enfant en voyage, je ne sais rien vouloir, rien décider, sauf le moment du départ ; je suis un emplâtre allant où l’on veut. » — L’image est forte et curieuse ! — Et ailleurs : « Je suis bâti de telle sorte que je ne sais jouir que par contre-coup, par ricochet ; je ne sais prendre ou éprouver un plaisir direct. » Ne vous semble-t-il pas voir M. de Boissy tout comme s’il était là ?

Quant à sa carrière politique, Victor Hugo en fournit une image résumée, suffisante pourtant : « Le marquis de Boissy, dit-il, a tout l’accessoire du grand orateur. Il ne lui manque que le talent. Il fatigue la Chambre, ce qui fait que les ministres se dispensent de lui répondre. Il parle tant, que tout le monde se tait… Hier, en sortant de la séance que M. de Boissy avait pauvrement et tristement occupée tout entière, M. Guizot me disait : « C’est un fléau. La Chambre des députés ne le souffrirait pas dix minutes. La Chambre des pairs lui applique sa haute politesse et elle a tort. Boissy ne se taira que le jour où la Chambre se lèvera et s’en ira en l’entendant demander la parole. »

Voilà comment était fait l’homme qui remplaça celui auquel le grand Goethe s’adressait ainsi :