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l’ombrie

Une nuit, près de Chiusi, il fut attaqué par la suprême tentation : le regret du sacrifice. Il faisait grand froid, la terre était blanche de neige. Très malade, grelotant sous les branchages de sa hutte, il vit soudain l’existence qu’il avait refusée : la famille, les tendresses paisibles, la douceur du foyer que Dieu bénit. Il lui parut que tout son grand effort était vain, vaine son œuvre, et il connut une mortelle angoisse. Soudain, rejetant les pauvres vêtements qui ne le réchauffaient pas, il sortit dans la nuit, glacé, et prenant de la neige, il modela de petites figures, qu’ensuite il posait à terre, en file, et à haute voix il disait : « Regarde, celle-ci est ta femme, puis derrière elle, viennent deux fils et deux filles, puis le serviteur et la servante qui portent le bagage… » Et s’étant satisfait de cette douloureuse ironie, François rentra dans la cabane froide. Il dût pleurer beaucoup cette nuit-là…

« Si mes frères pouvaient savoir ce que je souffre, disait-il parfois, ils auraient pitié. » Mais ce n’est pas la pitié qu’il leur inspire ce moribond au cœur si triste, c’est une vénération cupide et atroce. Il est devenu une relique vivante — en attendant ! On tâche de couper un bout de son vêtement, on cherche à obtenir de ses cheveux, des rognures d’ongles. Il excite un abominable intérêt.

Épuisé, sentant que la fin approche, il veut revoir