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harlem

reflète les têtes mauves des asters mélancoliques balancés par un peu de vent.

Les humbles maisonnettes ont un air d’élégance cossue et de soin. Aux pays de soleil, sous la poussière sans cesse soulevée qui s’y accumule, les palais prennent facilement une figure de pauvreté, d’abandon, de négligence. Ici l’humidité avive le brun des poutres, le blanc des crépis, les brusques peinturlurages, et toujours, les chaumières paraissent du haut en bas, vernies à neuf par de riches propriétaires. Et l’herbe, cette herbe qui, au loin, va toucher le ciel, augmente la sensation de bien−être assurée que répand tout le paysage.

C’est si beau, l’herbe ! Aucune des créatures végétales n’emplit le cœur d’une pareille paix, d’une telle joie grave.

L’herbe qui pousse entre les pavés nous dit que la foule ne traverse pas cette place pour courir à ses pauvres besognes, mais que là, nous pouvons trouver le silence : ce luxe suprême ; la solitude : ce baume. Cette herbe qui sertit les pierres de sa broderie précise, montre les routes du détachement et de la liberté. Elle n’est pas triste à voir, elle est douce comme une consolation.

Et celle qui croît sur les tombes, d’où nul ne l’arrache plus, n’est pas triste. Elle parle mieux de durée et de mémoire que ces fleurs posées à date fixe sur les monuments, et qui se fanent bien avant l’heure où on les remplace… Personne ne vient jamais au bord de cette tombe ; on a oublié ; tous ceux qui pouvaient se souvenir sont partis peut-être ;