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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/26

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l’astronomie ; j’arrachai à Squills, qui était botaniste passionné, quelques-uns des mystères de la vie des fleurs. Mais la musique devint ma passion favorite. Ma mère (quoiqu’elle fût la fille d’un savant, d’un grand savant au nom duquel mon père se découvrait s’il lui arrivait d’avoir son chapeau sur la tête lorsqu’il l’entendait ou le prononçait), ma mère, je dois l’avouer franchement, possédait moins de science puisée dans les livres que mainte humble fille de marchand de la génération actuelle ; mais elle avait certains dons naturels qui avaient mûri, Dieu sait comment, et qui s’étaient changés en talents féminins. Elle dessinait élégamment et peignait les fleurs avec une rare perfection. Elle jouait de plusieurs instruments avec plus d’habileté que maint élève des conservatoires ; et, quoiqu’elle ne chantât qu’en anglais, on ne pouvait entendre sa douce voix sans une profonde émotion. Sa musique, ses chants produisaient sur moi un effet merveilleux.

Ainsi une sorte de mélancolie rêveuse, mais ravissante, s’empara de tout mon être ; c’était d’autant plus remarquable que mon caractère avait d’abord été vif, déterminé et joyeux. Ce changement dans mon naturel agit bientôt sur ma santé. Je devins un garçon pâle et chétif, d’enfant robuste et vigoureux que j’étais ; je souffris de malaise et d’ennui, et M. Squills fut appelé.

« Il faut des toniques ! dit M. Squills ; ne le laissez pas pâlir sur ses livres. Faites-lui prendre l’air, faites-le jouer… Approchez, mon garçon. Voici des organes qui se développent trop. » Et M. Squills, qui était phrénologue, mit la main sur mon front : « Ma foi ! monsieur, vous avez la bosse de l’idéalisme et celle de la constructivité, Dieu me bénisse ! » Mon père repoussa ses manuscrits et se mit à se promener par la chambre, les mains derrière le dos ; mais il ne dit pas un mot avant le départ de M. Squills.

« Mon amie, dit-il alors à ma mère, contre le sein de laquelle j’appuyais cette bosse d’idéalisme qui était le siège de mon mal, mon amie, il faut que Pisistrate aille à l’école tout de bon.

— Merci Dieu ! Austin, à son âge !

— Il a près de huit ans.

— Mais il est déjà bien avancé.

— Raison de plus pour qu’il aille à l’école.