Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion sur la patrie en particulier, impliquant que la patrie ne s’en porterait que mieux, si elle était conquise !

En entendant le récit de ces loyales et patriotiques réponses, mon père s’écria : « Papæ ! » et, tiré de l’indifférence philosophique qui lui était habituelle, il alla lui-même visiter Miles Square. Mon père revint aussi pâle que mon oncle avait été pourpre.

« Et penser, dit-il tristement, que dans la ville d’où vient cet homme, il y a, selon lui, dix mille autres créatures de Dieu qui hâtent l’œuvre de la civilisation tout en maudissant ses lois ! »

Mais ni père ni oncle ne firent la moindre opposition lorsque, portant au bras une corbeille garnie de vin, d’arrow-root et d’une jolie petite Bible reliée en brun, ma mère prit le chemin de la chaumière excommuniée. Sa visite fut un échec aussi signalé que les visites précédentes. Miles Square refusa la corbeille : il ne voulait pas accepter d’aumônes, ni manger le pain de la charité. Ma mère ayant suggéré avec douceur que si M. Miles Square daignait consulter la Bible, il verrait que la charité n’est un péché ni pour celui qui la fait, ni pour celui qui la reçoit, M. Miles Square avait entrepris de prouver que, selon la Bible, il avait autant droit à ce qui appartenait à ma mère que ma mère elle-même, et que toutes choses devaient être en commun. Or, toutes choses étant en commun, que devenait la charité ? Non, il ne pouvait manger l’arrow-root de mon oncle, ni boire son vin, tant que mon oncle retenait injustement une si grande étendue de terres inutiles qui appartenaient à lui Miles, et à ses semblables. La terre appartient au peuple.

Ce fut alors le tour de Pisistrate. Il alla voir Miles Square une fois, et il y retourna souvent. Miles Square et Pisistrate se disputèrent et raisonnèrent tant et si bien qu’à la fin ils se prirent de caprice l’un pour l’autre ; car ce pauvre Miles n’était pas de moitié aussi méchant que ses doctrines. Ses erreurs provenaient d’une vive sympathie pour les souffrances dont il avait été témoin au milieu de la misère qui accompagne le règne des manufacturocrates, et des vagues aspirations d’une nature ardente, passionnée, mais qui ne savait rien qu’à demi. Je lui persuadai peu à peu de boire le vin et de manger l’arrow-root, en attendant ce millénium qui devait rendre la CooqIc