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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/479

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la science des livres, mais dans la simple sagesse du cœur ! Oh ! s’il avait appris de toi, en paraboles unies à la pratique, le bonheur qu’on trouve dans le sacrifice de soi-même, et comment les bonnes actions réparent les mauvaises !

Ce fut un malheur pour ce jeune homme si audacieux et si beau, qu’il y eût dans son extérieur et dans ses manières ce qui attire l’indulgence, l’intérêt et une sorte d’admiration compatissante. Le Français l’aima, ajouta foi à l’histoire qu’il lui conta, et le crut maltraité par ce soldat anglais au dur visage. Les Anglais étaient si détestés, surtout les soldats anglais ! et le capitaine avait mortellement offensé le Français, en appelant un jour Vilainton un grand homme, et en niant avec une brutale indignation que les Anglais eussent empoisonné Napoléon. Ainsi, au lieu d’apprendre au fils à aimer et à respecter son père, le Français haussait les épaules lorsque son élève exhalait quelque plainte peu filiale, et il lui répondait le plus souvent : Mais, cher enfant, ton père est Anglais, c’est tout dire. Cependant, comme l’enfant devenait jeune homme, on lui laissa, dans ses heures de loisir, une liberté dont il profita avec toute l’ardeur de ses premières habitudes et de son caractère aventureux. Il se lia avec de jeunes débauchés, piliers d’estaminets, prodigues… d’esprit, leur seul capital ! Il devint de première force à l’épée, au pistolet, et adroit à tous les jeux où l’adresse vient en aide à la fortune. Il apprit de bonne heure à se procurer de l’argent au moyen des cartes et du billard.

Enchanté de la facilité de son précepteur, il tâchait de dissimuler ses sentiments et d’adoucir ses manières lorsqu’il rendait visite à son père. Il tirait alors parti de ce qu’il avait appris de moins ignoble ; grâce à sa mémoire extraordinaire, il citait en sa présence les plus beaux sentiments qu’il avait trouvés dans les drames et les romans. Quel père n’est pas crédule ? Roland l’était, et versait des larmes de joie. Il crut enfin le temps venu de reprendre le jeune homme auprès de lui, de retourner à la vieille tour avec un héritier digne de son nom. Il remercia et bénit le précepteur, il emmena son fils. Mais celui-ci, sous prétexte qu’il avait encore différentes choses à apprendre pour compléter son éducation, pria son père de ne pas encore partir pour l’Angleterre, et de lui permettre de voir son précepteur tous les jours pendant