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CHAPITRE III. — DÉCOUVERTE DE LA BEAUTÉ DE LA NATURE.


accompagner par des amis ou par des connaissances. Pétrarque n’emmena que son plus jeune frère et deux paysans pris dans le dernier endroit oii il s’était reposé. Au pied de la montagne, un vieux berger les conjure de retourner sur leurs pas, leur disant qu’il y a cinquante ans il a fait la même tentative, et qu’il n’en a rapporté que des regrets, des membres brisés et des habits en lambeaux i qu’avant cette époque et depuis, personne n’a pins osé afirouter les dangers d’une telle entreprise. Mais ils avancent au prix de fatigues incroyables jusqu’à ce qu’ils voient les nuages flotter à leurs pieds, et atteignent le sommet. On s’attend, mais eu vain, à une description détaillée du panorama qui se déroule sons les yeux des hardis voyageurs ; on ne trouve qu’une nomeuclature sommaire des principaux points qu’ils aperçoivent. Le poëte ne fait pas le tableau du paysage qu’il a vu, non qu’il soit iusensible à la beauté de ce spectacle, mais parce que l’impression qu’il en a ressentie est par trop forte. Toute sa vie passée, avec toutes les folies qu’il a commises, se retrace à son imagination ; il se rappelle qu’il y a dix ans, jour pour jour, il a quitté Bologne, et jette uu regard plein de regret vers la lointaine Italie ; il ouvre un petit livre qui, eu ce temps-ià, l‘accompagnait partout, les Confessions de saint Augustin, et ses yeux tombent sur ce passage dn dixième chapitre : « Et les hommes vont admirer les hautes montagnes, les flots de la mer qui s’agitent au loin, les torrents qui roulent avec fracas, l’immense Océan et le cours des astres, et ils s’oublient eux-mêmes dans cette contemplation. » Son frère, à qui ii lit ces lignes, ne peut comprendre pourquoi il ferme ensuite le livre et garde le silence.

Un certain nombre d’années plus tard, vers 1360,