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rament pour organiser une croisade contre les Turcs et pour mourir de chagrin en voyant avorter cette entreprise.

L’autobiographie de Benvenuto Cellini ne vise non plus à l’étude de l’être moral. Néanmoins elle peint l’homme tout entier, presque malgré l’auteur, avec une vérité saisissante. C’est assurément un fait considérable que Benvenuto, dont les travaux les plus importants sont restés à l’état d’ébauche et ont péri, qui ne se révèle comme artiste accompli que dans le genre décoratif, et qui reste inférieur à tant de ses contemporains si on le juge d après ceux de ses ouvrages qui sont parvenus jusqu’à nous ; que Benvenuto, dis-je, soit destiné, comme homme, à occuper les hommes jusqu’à la fin du monde. Le lecteur a beau se douter à chaque instant qu’il a menti ou qu’il s’est vanté, qu’importe ? L’impression que produit cette nature violente, énergique et complète, fait oublier tout le reste. À côté de lui, nos autobiographes du Nord, par exemple, malgré la supériorité morale qu’ils ont parfois sur lui, paraissent faibles et incomplets. Benvenuto est un homme qui peut tout, qui ose tout et qui ne porte sa mesure qu’en lui-même[1].

Nous avons encore à nommer ici un autre écrivain qui parait n’avoir pas non plus été toujours très-fidèle à la vérité : c’est Girolamo Cardano de Milan (né en 1500). Son petit livre De propria vita[2] vivra plus longtemps que la grande réputation qu’il s’est faite dans l’histoire des sciences naturelles et de la philosophie, de même que la

  1. Parmi les autobiographies du Nord on pourra peut-être comparer surtout celle d’Agrippa d’Aubigné (sans doute postérieure de beaucoup), s’il s’agit de l’individualité complète et vivante.
  2. Composé par l’auteur dans un âge avancé, vers 1576. — Sur Cardano considéré comme chercheur et auteur de découvertes, comp. Libri, Hist. des sciences maté., III, p. 167 ss.