Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/85

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soit blanche, surtout dans sa partie supérieure, mais grande et un peu pleine, qu’elle soit douce au toucher comme de la soie, que la paume soit rosée, traversée par des lignes peu nombreuses, mais bien nettes, que ces ligues ne se croisent pas, qu’il n’y ait pas de trop fortes éminences, que la partie comprise entre le pouce et l’index soit vivement colorée, qu’elle ne soit pas défigurée par des rides, que les doigts soient longs, effilés sans être pointus, pourvus d’ongles brillants et rosés, peu bombés, ni trop longs ni trop carrés, qui ne dépassent pas les doigts de plus de la largeur du dos d’un couteau.

À côté de cette esthétique spéciale, l’esthétique générale n’occupe qu’une place secondaire. Les raisons cachées d’après lesquelles l’œil juge « senza appello » en matière de beauté, sont un mystère pour Firenzuola lui-même, comme il l’avoue franchement ; ainsi que nous l’avons remarqué, ses définitions de Leggiadria, Grazia, Vaghezza, Venusta, Aria, Maestà, il les doit à la philologie ; on voit qu’il fait de vains efforts pour exprimer ce qui est inexprimable pour lui. Il définit très-joliment le rire, — probablement d’après un auteur de l’antiquité, — un rayonnement de l’âme.

À la fin du moyen âge, toutes les littératures possèdent des ouvrages où l’on a tenté d’établir d’une manière dogmatique les règles de la beauté[1]. Mais aucun de ces livres ne pourrait soutenir la comparaison avec l’opuscule de Firenzuola. Brantôme, par exemple, qui vient plus d’un demi-siècle après lui, est un piètre connaisseur à côté de lui, parce que c’est la sensualité et non le sentiment du beau qui l’inspire.

  1. Sur l’idéal de la beauté chez les minnesingers, voir dans Falke les modes et les costumes allemands, I, p. 85 ss.