Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/98

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entendre cela d’une manière absolue, vu que les castes du moyen âge tendent plus ou moins à reparaître, ne fût-ce que pour affirmer qu’elles ne sont pas inférieures aux classes privilégiées des autres pays de l’Europe ; mais la tendance générale de l’époque, c’était la fusion des différentes couches de la société dans le sens du monde moderne.

Ce qui contribua surtout à hâter cette fusion, ce fut la réunion des nobles et des bourgeois dans les villes, réunion qui remonte au douzième siècle au moins[1] ; il en résulta une certaine communauté d’existence et de plaisirs ; du moment que la noblesse ne s’isolait pas dans ses châteaux, elle restait exempte des préjugés que cet isolement faisait naître ailleurs. Ensuite l’Église ne consentit jamais en Italie à être un débouché pour les cadets de famille et à les apanager comme cela se faisait dans le Nord ; souvent, il est vrai, des évêchés, des canonicats, des abbayes étaient donnés pour les motifs les moins avouables, mais du moins ils ne l’étaient pas exclusivement pour récompenser la naissance, et, si les évêques étaient plus nombreux, plus pauvres qu’ailleurs, s’ils n’avaient, en général, rien de ce qui plaçait si haut les princes séculiers, ils demeuraient, par contre, dans la ville où était leur cathédrale et formaient avec leur chapitre un élément considérable de la partie cultivée de la population. Quand surgirent des princes absolus et des tyrans, la noblesse eut dans la plupart des villes toutes les occasions et tous les loisirs de se créer une vie (t. I, p. 166) d’insouciance et de plaisirs délicats, ne différant guère de celle des bourgeois riches. Lorsque après

  1. Quand une famille noble piémontaise habitait un château à la campagne, le fait frappait comme une exception. Bandello, parte II, nov. 7 ( ?)