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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

jours, célébrèrent d’une manière brillante la fête de la naissance de l’enfant, et lui donnèrent le nom de Pûrṇa (l’Accompli). Le petit Pûrṇa fut confié à huit nourrices, qui furent chargées deux à deux de lui donner des soins particuliers, tellement qu’il crut rapidement, comme un lotus au milieu d’un lac. Quand il fut devenu grand, on lui fit apprendre l’écriture, l’arithmétique, les comptes, la chiromancie, ce qui regarde les partages, les gages et les dépôts, l’art de juger des étoffes, des terrains, des pierres précieuses, des arbres, des éléphants, des chevaux, des jeunes gens, des jeunes filles, des huit objets, en un mot, dans l’appréciation desquels il devint habile, disert, sage et praticien expérimenté.

Ensuite Bhava le maître de maison maria successivement Bhavila et ses deux autres fils. Ces jeunes gens, épris d’une passion excessive pour leurs femmes, se livraient à l’inaction et ne songeaient qu’à parer leurs personnes. C’est pourquoi Bhava le maître de maison, tenant sa tête entre ses mains, était sans cesse absorbé dans ses réflexions. Ses fils s’en aperçurent et lui dirent : Pourquoi, cher père, restes-tu ainsi la tête entre tes mains, absorbé dans tes réflexions ? Bhava répondit : Mes enfants, je ne me suis pas marié avant d’avoir amassé un Lak de Suvarṇas[1] ; mais vous qui méprisez le travail, vous avez pour vos femmes une passion excessive, et vous ne songez qu’à vous parer. Quand je serai mort, la maison sera remplie de misère ; comment donc ne serais-je pas absorbé dans mes réflexions ?

Bhavila portait des pendants d’oreilles de diamant ; il les détacha, et les remplaçant par des anneaux en bois, il prononça ce vœu : Je ne porterai plus de pendants d’oreilles de diamant que je n’aie gagné un Lak de Suvarnas. Le second fils, en faisant autant, prit des pendants d’oreilles de laque, et le troisième en prit de plomb. Les noms de Bhavila, de Bhavatrâta et de Bhavanandin qu’ils portaient cessèrent d’être en usage et furent remplacés par ceux de Dârukarṇin, Stavakarṇin et Trapukarṇin[2]. Ayant rassemblé des mar-

  1. Les observations que j’ai faites dans une note spéciale sur la valeur du Purâṇa d’argent s’appliquent également à la monnaie d’or dite Suvarṇa, littéralement or. En voici l’évaluation d’après Colebrooke. Il faut cinq Krichṇalas ou graines noires de l’abrus precatorius pour faire un Mâcha d’or, et seize Mâchas pour faire un Suvarṇa. (Asiat. Res., t. V, p. 93, éd. in-8o.) Or le Krichṇala valant 2 3/16 grains troy anglais, le Mâcha d’or, qui est égal à cinq Krichṇalas, vaut exactement 10 15/16 grains troy. Seize Mâchas faisant un Suvarṇa, cette dernière monnaie égale 175 grains troy anglais, c’est-à-dire 11,375 grammes, ce qui fait 35 fr. 26 cent, et une très-légère fraction. Maintenant, comme un Lak (en sanscrit lakcha) égale cent mille, le Lak de Suvarṇas revient à 3,526,200. C’est, dans les légendes buddhiques, le chiffre d’une immense fortune. Voyez encore d’autres évaluations d’après Wilson. (Hindu Théâtre, t. I, p. 47, note *.)
  2. Ces trois noms signifient respectivement : « qui a des pendants d’oreilles de bois, de laque, de plomb. »